Umbro Uno

#1

En cette fin de soirée, je n’ais qu’une seule envie, celle de me balader dans les écuries. Mon premier jour à l’Académie est en train de se terminer, et je ne suis toujours pas rassasiée de ses chevaux. J’entre dans l’allée #3, quelques cavaliers sont en train de panser leurs chevaux, d’autres comme moi se contentent de se promener. J’observe chaque cheval dans chaque boxe. Ils semblent impatients de recevoir leur ration du soir. Ils s’excitent, tapent dans la porte de leurs boxes. Derrière moi le palefrenier crie un coup, essayant en vint de les calmer un peu. Le bruit de la brouette à granulés : la distribution commence.

« Je peux vous aider monsieur ? »
« Si cela ne vous dérange pas… plus vite ils seront servis, plus vite ils arrêteront leur brouhaha ! »

Je prends l’un des « verres » doseurs, et me charge de la rangée de boxes de gauche. A chaque fois que je remplis le « verre », le palefrenier me donne les proportions du prochain cheval. J’ai toujours aimé m’investir dans la vie de mes écuries. C’est une bonne expérience, et puis les gens apprécient =)
Avant dernier boxe ; je lis « Umbro Uno » sur la porte. Un cheval lourd, costaud et plutôt séduisant. Je tombe sous le charme de cet Hanovrien. Pourtant, il semble ailleurs. Son regard est mélancolique, comme en manque d’amour. Je m’empresse de nourrir le dernier cheval ; le palefrenier me remercie puis s’en va. Discrètement, je retourne admirer celui qui a attiré mon attention. Malgré ce vide qui ressort de lui, il garde une allure fière, une allure de dominant. Je n’ose pas entrer dans son box, de peur que l’on m’y prenne. Je suis nouvelle, et je ne connais pas encore mes droits.

« Allez-y mademoiselle ! Mais faites attention, Umbro est un cheval spécial… »

*Un cheval spécial vous dîtes ?*
Intriguée, je reste immobile devant la porte du boxe. Il ne bouge pas, même pas une oreille. Il me dédaigne, comme si je n’étais pas digne de lui. Il m’attire, il m’intéresse. Et puis les paroles du palefrenier me paraissent absurde… Chaque cheval est spécial. Je saute le pas. Doucement j’ouvre la porte du boxe, ne perdant pas du regard l’alezan. Il tourne la tête vers moi, pose son regard avide sur ma personne. Je souris. On m’a toujours dit de sourire à un cheval. Je reste contre la porte, je l’observe. Face à face. Je ressens quelque chose de bizarre, comme s’il voulait me dire quelque chose. Je ne devrais pas, mais je m’avance vers lui. Vous savez pourquoi il ne faut pas faire ça ? Car le cheval vous prend alors pour un prédateur, vous percez sa bulle de « protection ». Je m’avance, sans dire mots. Soudain Umbro s’énerve. Il gratte du sabot, ronfle des naseaux. Oreilles plaquées contre sa nuque, dans son regard auparavant vide de sens j’aperçois une petite lueur de… méfiance. Je recule brusquement.

« Chuuut, tout doux… Je ne te veux aucun mal. »

Quelques mots doux sortent de ma bouche. Je sors un sucre de ma poche, et lui envois à ses antérieurs. J’ai l’impression d’amadouer une bête sauvage. Il mange le sucre, et m’observe. Ses oreilles bougent dans tous les sens. Il se calme, mais cette méfiance dans son regard est toujours là. Il tâtonne, vient vers moi, recule, ravance… Je pose le dos de mes mains sur mes cuisses, signe qui lui montre que je suis « dominée ». Il vient, il souffle sur celles-ci. J’esquisse un petit rire : ça chatouille. A ce rire il recule brusquement, surpris. C’est à mon tour d’avancer. Je viens vers lui, tout en lui parlant d’une voix douce et claire. Il est prudent, prêt à bondir. Il commence à faire le tour de son boxe, cherche à me bloquer la sortie. Je garde mon calme, il ne peut rien contre moi. J’ai une idée, je fais ça dans le paddock avec certains chevaux, c’est plus dangereux ici, mais je veux essayer. Je m’assoie au centre du box, je ne le quitte pas des yeux. De temps à autres je plonge mon regard dans le sien, l’espace de quelques secondes. Il détourne le regard. Au bout de quelques minutes, de quelques cercles autour de moi, il s’avance, me souffle dans le coup. Etrangement, il retourne au fond de son boxe, comme lorsque je l’ai trouvé. Je me lève lentement, faisant attention à sa réaction. Il recommence à me dédaigner.

« Merci mon vieux, ça fait toujours plaisir de se sentir aimée ! »

Dis-je avec amusement. Je sors alors du boxe. Rapidement je vais chercher mon licol et ma caisse de pansage. Je ne vais pas rester sur ma fin. Son étrange comportement m’a donné envie de le connaître un peu plus, il m’intrigue et m’attire. Au bout de 5min d’absence, je reviens vers son boxe. Autour de moi les regards se tournent, quelques chuchotements. J’ignore. Je retrouve Umbro dans la même position, à part qu’il a maintenant changé de pieds au repos. J’ouvre brusquement la porte, comme pour le surprendre. J’ai envie de le surprendre. Il tourne la tête, les yeux grands ouverts. Sans même faire le rituel d’approche que j’effectue toujours avant d’aborder un cheval, je me précipite vers lui et lui enfile le licol, sans même le prévenir. Il rechigne quelque peu lorsque je décide de le sortir du boxe, mais je tiens bon. J’expérimente chacune de ses réactions, je prends son rôle en quelques sortes. Je le dédaigne à mon tour, ne cherchant plus à l’amadouer.
Je sors en trombe du boxe, les gens s’affolent. Je leur lance un petit sourire amical. J’attache alors Umbro à l’un des barreaux du boxe. Autour de lui je suis toujours en mouvements. Je ne suis ni délicate, ni brutale à son égard. Je ne cherche juste pas son bien être. Juste une expérience, rien de bien méchant…

« Alors comme ça on veut jouer au méchant hein ?! »

Je rigole intérieurement, fière de jouer à la dominante. Umbro commence à s’agiter, bougeant de gauche à droite, essayant de me mordre. Il me teste. Je jette mon bouchon dans ma caisse, et part en trombe au fond de l’allée. L’alezan semble intrigué. Je m’appuie contre le mur de la sellerie, les bras croisés. Je jette quelques coups d’œil vers lui, il m’observe, étourdis par ce qu’il se passe. Le palefrenier est encore là, il s’occupe de balayer les écuries. Intrigué par ma réaction, il s’approche de moi et me questionne.

« Ce n’est pas bien beau d’abandonner un cheval… »
« Juste une expérience… il veut jouer au plus malin avec moi. »
« Je vois. Et à quoi cela vous sert de le laisser planté là ? »
« Le dédain. Il s’amuse à m’ignorer, alors je fais de même. »

Il se remit au travail après un petit clin d’œil. De mon côté, je prends un balai et fais de même. Les écuries sont grandes, je fais donc semblant de balayer. Lorsque j’arrive à son niveau, je ne lui jette même pas un regard, je me contente de passer le balai entre ses sabots. Il ronfle des naseaux. Je souris, et pose le balai contre un mur. Je m’avance vers lui, m’adosse à la porte du boxe et lui caresse le chanfrein. Il s’est calmé, ne demandant plus que des câlins. Je suis fière de mon travail, et je ne remercierais jamais assez la personne qui m’a tout appris…
Tranquillement je me remets à le panser. Il est gentil, calme et accepte chacune de mes requêtes. Cette fois, je prends mon temps, je lui fais du bien. Il baisse la tête, soupire de contentement. Je m’arrête là. Cependant, j’ai envie de lui montrer que je pense à lui. Rapidement je retourne à la sellerie chercher ma couverture doudoune. La nuit s’annonce froide en cette fin d’hiver. Je la lui mets, délicatement. Il frissonne, je le caresse. Lorsque j’ai tout bouclé, je le remets au boxe. Lentement, je lui détache le licol, et Umbro s’empresse de se débattre pour retourner manger son foin. Rapidement, je rattache le licol : c’est moi qui décide quand il sera libre. Quelques nouveaux essais, toujours la même chose. Au bout de 2min, il daigne patienter. Je le détache, et le laisse retourner au foin. Je ramasse mes affaires, et sors du box. Cependant j’attrape une carotte que je mets dans sa mangeoire. Il recommence à me dédaigner… Je m’en vais.

« A demain, tu n’as pas finis de me voir ^^ »

#2

Aujourd’hui j’ai décidé de consacrer ma journée au bien être des chevaux. Je commence alors par aller rendre visite à Umbro, ce petit cheval soit disant spécial. Il est 12h lorsque j’entre dans les écuries, et comme souvent à cette heure-ci, les écuries sont presque désertes. Les chevaux viennent de recevoir leur ration, et le bruit de leurs mastications brisent le silence paisible. Dehors le temps se couvre petit à petit, il fait lourd, une chaleur presque étouffante. J’espère qu’il ne pleuvra pas, j’avais pour projet de sortir un peu Umbro au paddock, et de l’observer pour mieux le comprendre. Je passe aux écuries et attrape mon licol vert. Je n’oublie pas de prendre ma boîte ainsi que mes protections de la même couleur que le licol. Et oui, j’aime lorsque les couleurs sont harmonieuses =)

« Umbro, c’est moi ! Attends un peu… j’imagine que tu vas encore m’ignorer espèce de tête de mule ! »

Ai-je crié dans les écuries. Soudain une petite tête alezane passe par-dessus la porte, mâchant sans retenu quelques granulés. Surprise, je m’arrête à mi-chemin, vérifiant qu’il s’agit bien de l’Umbro que je connais. C’est bien lui. J’esquisse un petit fou rire, impressionnée par la mémoire de ce cheval. Il est rare qu’un équidé de se rappelle aussi vite d’une personne, jusqu’à réagir à la voix de celle-ci. J’arrive enfin à son box, où il s’est remis à manger. Je dépose mes affaires au pied de la porte, et m’accoude à celle-ci. Umbro tourne la tête, son regard devenu brillant. Intriguée, j’essaie de comprendre cet intérêt si rapide pour ma personne. Je sors de la poche de ma veste une belle pomme jaune, mes préférées ^^ Je m’amuse alors à le narguer en jonglant avec celle-ci. Il ne la quitte pas des yeux. Au bout de quelques minutes il s’avance vers moi et essaie en vint de l’attraper au vol. Généreuse, je lui donne une petite caresse sur le chanfrein, et lui offre la pomme.

« En gage de ta reconnaissance… »

J’ouvre alors la porte du box afin d’entrer dans celui-ci. Je remarque que personne ne lui a enlevé la couverture que je lui avais mise il y a deux jours, comme si ce pauvre petit cheval faisait peur aux autres. Derrière moi je referme la porte, et m’adosse au mur du box. Les bras croisés, j’attends de voir comment se comporte l’alezan qui est retourné mâchouiller du foin. Petit à petit je commence à chantonner, pour lui faire prendre confiance. Face à moi il me regarde de son regard vif. Je lui souris, et celui-ci vient vers moi. Il commence alors à me sentir, le coup, les mains, et soudain, sans que je ne m’y attende il me mordille le bras. « Hey ! Ne refaits jamais ça compris ? » A ces mots je lui donne une petite tape brusque sur les naseaux, le remettant à sa place. Sans plus attendre, j’attrape mon licol posé sur la porte, et m’approche de lui, prudente. Il m’ignore, et se remet à manger son foin, sans même me laisser la possibilité de lui passer le licol. Avec force et vivacité je lui passe la longe autour de l’encolure et tire celle-ci vers le haut. Il résiste mais au bout de quelques secondes il est obligé de lever la tête, ne serait-ce que pour respirer. Je profite de cet instant pour lui passer le licol, lui caressant le chanfrein pour le rassurer.

« Aller vient mon grand, je t’enlève à ton passe-temps favoris. »

Je le sors tranquillement du box, l’attachant ensuite à l’un des barreaux assez court pour ne pas qu’il gigote trop. Lorsque j’ai le dos tourné, il commence à mordiller sa longe, y laissant quelques filets de bave. Je rigole, et le laisse faire : il ne peut rien lui faire de mal =) Je lui enlève délicatement la couverture, en la pliant soigneusement en 4. Je pose celle-ci sur la porte du box et m’apprête à le panser. J’attrape mon étrille dans la main droite et le bouchon dans l’autre. Je remarque que le fait de torturer sa longe le rend plus calme, il se concentre dans cette tâche et ne fait plus attention à moi. Je prends donc soin de le brosser dans chaque recoin. Cependant il réagira par un petit couinement lorsque j’atteins son jarret droit : j’ai trouvé son point faible ^^ Lorsque j’en ai finis avec ce poil d’hivers commençant à tomber, je m’attaque à ses crins toujours aussi fourchus. J’en profite alors pour lui refaire le passage de tête un peu trop long. J’en ai bavé ^^ Il n’a pas arrêté de lever ou baisser la tête, manquant de lui couper un bout d’oreille à chaque fois. Je me surpris en train de lui parler comme à un bébé pas très sage, ce qui me fit rire toute seule. Je finis par lui curer les sabots sans trop de peine et par passer un coup de brosse douce pour faire briller tout cela.

« Attends moi là 2min mon grand. »

J’attrape la couverture et me dirige vers la sellerie. Je range celle-ci, et en profite pour regarder un peu le temps qu’il fait. Quelques éclaircies par ci par là, rien de bien méchant. Cependant je préfère lui mettre une chemise imperméable, mieux vaut prévenir que guérir. Je sors celle de couleur verte, et retourne vite auprès de Umbro qui n’a pas cessé de me fixer de son regard noir. Je lui donne une petite caresse sur l’encolure, et lui passe la chemise. Il frissonne : celle-ci est plutôt froide. Je commence alors à fouiller au fond de mon sac à protections et trouve enfin ce que je cherche : mes guêtres et protèges boulets vertes (évidement ^^). Lentement je les lui mets, essayant de ne pas le faire tiquer. C’est raté, il n’arrête pas de taper du pied, m’empêcher de les lui attacher correctement. Sans plus tarder, j’use de la bonne vieille méthode : je lui pince la châtaigne du membre d’à côté, l’obligeant à lever celui-ci. Lorsque j’en ai terminé avec ces protections, je lui mets des cloches noires. Il est alors prêt à sortir.

Je range alors mes affaires contre le box, et détache l’alezan. Je sors d’un pas saccadé des écuries, Umbro n’arrêtant pas de fouiner dans les affaires des autres ou d’aller dire bonjour à ses copains d’écurie. Je suis presque traînée par celui-ci, comme si c’était lui qui me promenait.

« Et oh, un peu de respect tout de même ! »

Quelques minutes plus tard, nous voilà rentrés du paddock. Dehors le temps s’est calmé, et heureusement il n’y a pas plut. J’attache Umbro à l’un des barreaux, et le défait de tout son attirail. Cependant, avant de lui enlever la chemise, je prends soin d’y passer un coup de brosse afin d’enlever le plus gros de la terre. Umbro reste calme, bien que surpris par ce que je fais. Je commence ensuite un petit pansage, rien que pour son confort. Tout en lui parlant j’enchaîne les brosses, jusqu’à lui curer et graisser les sabots. Il ne se rebelle pas, attentif à chacun de mes mouvements. Lorsque j’ai terminé de le faire tout beau, je le remets au box, sans couverture : il ne fait plus trop froid.

« J’espère que tu seras toujours aussi calme qu’aujourd’hui… »

Lorsqu’il est libre, il me surprend en restant planté à côté de moi. Depuis l’autre jour, il a compris qu’il fallait attendre ma permission pour reprendre ses petites habitudes. Il me suit jusqu’à la porte du box, attendant sûrement une petite récompense. Il a bien raison, car deux sucres l’attendent. Je les lui offre, puis reste là à le câliner encore un peu. Mais il est maintenant temps de m’en aller, je referme donc le box et attrape mes affaires. Je vais ranger celles-ci à la sellerie, puis retourne à l’internat.